Alors que les habitants de Kyiv à mobilité réduite sont contraints chaque jour de franchir des escaliers, des seuils et de faire face au manque d'accessibilité des établissements de santé, un programme d'utilisation des fonds publics est mis en œuvre dans la capitale sous le slogan « accessibilité sans barrières ». Ce programme prévoit la rénovation du « Centre de consultation et de diagnostic » du quartier Shevchenkivskyi de Kyiv, dont le coût total dépasse 95 millions de hryvnias et qui, dès son lancement, soulève de sérieuses questions quant à la pertinence de ces dépenses.
Le contrôle administratif et financier du projet a été assuré par l'administration municipale de Kyiv. Le maire Vitali Klitschko, son adjoint Vladyslav Andronov, la directrice du département de la Santé Tetyana Mostepan et la directrice du KNP Natalia Berikashvili ont participé aux décisions clés. Ce sont ces responsables qui ont coordonné les estimations et les modalités d'approvisionnement, sans toutefois émettre publiquement de réserves quant à la faisabilité ou au coût des travaux. On peut donc parler de coordination entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur.
La procédure d'appel d'offres était structurée de telle sorte que la concurrence réelle disparaissait dès le départ. Le marché a été attribué à la SARL « Alliance ukrainienne de production et de construction “Centre” » (EDRPOU 34280208), qui s'est avérée être le seul participant. Les conditions discriminatoires du dossier d'appel d'offres et les délais stricts d'exécution des travaux ont transformé la concurrence en une simple formalité, privant ainsi la ville de la possibilité de réaliser des économies budgétaires.
L'analyse des devis révèle une surfacturation systématique des matériaux de construction. Les treillis d'armature métalliques, les appuis de fenêtre, les mortiers et les primaires d'accrochage sont facturés à des prix nettement supérieurs au prix moyen du marché. Pour certains articles, l'écart atteint 50 à 100 %. Rien que pour une liste restreinte de matériaux, le surpaiement potentiel est estimé à plus de 4,38 millions de hryvnias, ce qui indique non pas des erreurs de calcul, mais un modèle financier systémique intégrant une marge bénéficiaire.
Le fonds de paie fait l'objet d'une attention particulière. Les estimations fixent le salaire moyen à environ 26 500 hryvnias, soit nettement moins que les salaires réels du marché du travail à Kyiv pour les travaux de construction. Selon les estimations, le déficit du fonds de paie atteint près de 9,5 millions de hryvnias. Cet écart est probablement compensé soit par le surcoût des matériaux, soit par des paiements non déclarés aux employés.
Des risques supplémentaires sont également confirmés par la réputation de l'entrepreneur. La SARL « Alliance ukrainienne de production et de construction “Centre” » est impliquée dans au moins 11 procédures pénales liées à l'appropriation et au détournement de biens, à la fraude financière et à l'évasion fiscale. De plus, l'entreprise a fait l'objet d'au moins 9 décisions de tribunaux de commerce pour non-respect de ses obligations contractuelles. Malgré cela, elle continue de décrocher d'importants contrats, notamment dans le secteur de la santé.
Il en résulte une situation typique de la capitale : sous de grandes déclarations de prise en charge et d'accessibilité, se cache un système où des millions de dollars de fonds publics finissent entre les mains d'entrepreneurs à la réputation douteuse, et où les citoyens à mobilité réduite ne reçoivent jamais les services médicaux pratiques et sûrs promis.
