Pokrovsk est devenue le symbole d'une nouvelle étape de la guerre russo-ukrainienne : une confrontation en zone urbaine dense, où la ligne de front s'estompe. De petits groupes de saboteurs russes s'infiltrent dans la ville, se déguisent en civils ou en soldats ukrainiens et sapent les défenses à bout portant. Les unités ukrainiennes sont contraintes d'opérer dans un climat de suspicion permanent, où l'ennemi peut être tout proche, écrit le Telegraph.
« Nous sommes passés juste à côté d'eux », se souvient Ivan, mitrailleur de 21 ans appartenant à l'unité de systèmes sans pilote « Les Loups Da Vinci ». De l'extérieur, les saboteurs ne se distinguaient en rien des combattants ukrainiens. Ce genre d'incidents est désormais monnaie courante à Pokrovsk.
D'après les analystes, l'armée russe a modifié sa tactique et adopté un format de guerre « démécanisé », sans grands convois de matériel facilement repérables par les drones. Désormais, la Fédération de Russie progresse par très petits groupes de 3 à 5 hommes.
« La ligne de front s'estompe », explique l'analyste finlandais Emil Kastehelmi.
Des drones de reconnaissance russes scrutent les défenses ukrainiennes à la recherche de failles. Faute de personnel et sous la pression aérienne constante, il est pratiquement impossible de boucler complètement la ville. De petits groupes ennemis pénètrent à Pokrovsk à vélo, à moto, en véhicule civil ou à pied, profitant du brouillard et de la pluie.
L'un des principaux problèmes résidait dans l'incapacité à déterminer rapidement qui se trouvait en face de soi : un ami ou un ennemi. L'armée ukrainienne a alors eu recours à la tactique des mots-clés. L'un des plus importants est « palyanitsa ». Mais même cette méthode ne s'avère pas toujours efficace.
Les risques de tirs amis augmentent. Un commandant se souvient que les combattants avaient reçu l'interdiction d'ouvrir le feu sur un véhicule de combat d'infanterie, car il était censé être « l'un des leurs ». Il s'est avéré qu'il s'agissait d'un véhicule russe. Il n'a été détruit par un drone qu'après que la situation ait été clarifiée. Dans un autre cas, une brigade ukrainienne a détruit par erreur ses propres drones terrestres « Termites ».
Les drones de combat sont devenus un outil essentiel de la défense ukrainienne dans la ville. Ce sont eux qui repèrent les saboteurs et frappent leurs repaires. C'est pourquoi les groupes russes sont les premiers à tenter d'atteindre les opérateurs et de les éliminer.
« Notre deuxième échelon est hors service, mais il assure 90 % des frappes », indiquent les militaires. Sans ces frappes, il est plus difficile d'arrêter les petits groupes ennemis qui approchent de la ville.
Selon Deep State, la Russie contrôle actuellement au moins la moitié de Pokrovsk. Le reste du territoire est une zone grise où les combats sont sporadiques et chaotiques. Les forces ukrainiennes ne contrôlent aucune zone de manière totale.
Le président Volodymyr Zelensky avait précédemment affirmé qu'il y avait environ 300 saboteurs russes dans la ville, mais l'armée affirme que le chiffre réel pourrait être beaucoup plus élevé.
Des unités d'élite ont été déployées à Pokrovsk. Des chasseurs Azov ont tenté de stabiliser le front durant l'été, et des forces spéciales du GUR sont arrivées à bord d'hélicoptères Black Hawk pour rétablir la logistique et la coordination. Cependant, la tactique russe de progression lente continue de porter ses fruits.
Pokrovsk demeure un point stratégique avant d'éventuelles frappes russes sur Kramatorsk et Sloviansk. Les analystes n'anticipent pas de percée rapide de l'ennemi, car les tactiques employées par les petits groupes ne permettent pas une progression rapide.
« Si vous vous contentez de faire avancer l'infanterie, vous finirez par être stoppés », remarque Castelhelmi.
Si la prise de Pokrovsk ne garantit pas à la Russie un contrôle rapide du Donbass, la tactique d'infiltration présente un avantage crucial : elle est extrêmement difficile à contrer.

